Nos façons de communiquer ont-elles changé durablement pendant cette crise qui nous a tous obligés à opter pour le travail à distance, les réunions Zoom et les apéros Skype ? Éléments de réponse avec quatre adhérents du Cerclecom, l’association des professionnels de la communication de Bourgogne Franche-Comté.
Et si la crise sanitaire avait durablement changé nos façons de communiquer entre nous ? De communiquer dans l’entreprise ? De communiquer avec les autres ? Franchement, avant le 18 mars, aucun d’entre nous n’imaginait une seule seconde ne plus se réunir avec ses collègues qu’en « visio » et trinquer avec ses amis dans le cadre d’« apéros Skype ». La communication digitale a envahi nos vies, le télétravail est entré dans les mœurs et la comm a changé de visage. Tout cela va-t-il durer ? Une fois le virus vaincu, les habitudes d’avant reprendront-elles le dessus, ou garderons-nous quelque chose de toute cette étrange période ?
Romain Rozot dirige la société dijonnaise B Wonder, spécialiste de communication numérique. Certains de ses clients ont adopté la visio et n’ont pas l’intention de revenir en arrière tandis que d’autres ne la supportent déjà plus. « Mais regardez comme de nouvelles formes de communication se sont imposées en quelques semaines : les visites virtuelles de biens immobiliers, les vidéos immersives en concessions automobiles qui permettent même de monter dans une voiture ! ». On serait tenté d’ajouter les sites de vente en ligne des commerçants locaux, bien obligés de se lancer alors qu’ils traînaient souvent la patte avant. Le basculement brutal dans un monde totalement virtuel n’a pas surpris Franck Dujoux, directeur de création pour Ne Soyons pas raisonnables, un collectif de cinq communicants côte-d’oriens. Il vit dans l’Auxois et télétravaille depuis longtemps, par la force des choses. « Dans les grandes villes, à Paris notamment, les clients sont vite devenus adeptes du travail à distance et des rendez-vous en visio parce que les temps de transport sont longs et les déplacements pénibles. Ça fonctionne bien dans les petites et moyennes entreprises : caler une réunion avec un client, avec des interlocuteurs chacun chez soi, c’est très simple. » Lionel Lorincz, responsable de l’agence Dynabuy Jura Franche-Comté, y voit même de sérieux avantages. « En visio, on est chez soi, dans sa zone de confort, donc on est plus naturel, plus à l’aise, on s’exprime différemment, plus librement peut-être. Les comportements sont différents : quitter une visio en cours de route n’est pas jugé comme impoli, cela se fait plus facilement que d’écourter un rendez-vous physique. On gagne donc en efficacité, d’autant que la réduction des trajets est synonyme de moindre stress et de moindre fatigue. Et puis la visio permet de sortir de son cercle local habituel pour aller chercher des clients plus loin. Quand on vend un produit ou un service, c’est un vrai atout. » La distance entre les gens aurait même, contre toute attente, contribué à resserrer les liens. C’est ce qu’a observé Thomas Ormansay, responsable de la communication de l’entreprise transport Cordier, à Is-sur-Tille. « Nos conducteurs ont roulé pendant le premier confinement tandis que les sédentaires de l’entreprise étaient en télétravail. Nous avons développé des moyens de communication interne nouveaux qui ont permis de souder les équipes, de créer de la cohésion et de la solidarité. » Tout n’est donc pas à jeter dans cette société dématérialisée qui s’est imposée à nous pour cause de Covid. La techno a marqué des points. Mais demain ? « Hors de question de remplacer les séminaires, les salons, les congrès, par des visio, s’exclame Romain Rozot. Le numérique permet d’éviter des déplacements inutiles mais ne saurait remplacer la rencontre humaine. » « Certaines boîtes sont tentées de fonctionner de manière pérenne avec des équipes à distance, éclatées, et cela risque de nuire à la qualité, prévient Franck Dujoux. Pour un graphiste, hors de question de faire valider une couleur par écrans interposés. » Il faudra peut-être insister pour en revenir à la bonne vieille méthode du rendez-vous présentiel. « Dans une entreprise familiale comme la nôtre, qui a la tradition du terrain chevillée au corps, on reviendra tous sur site, assure en revanche Thomas Ormansay. Entretemps, nous avons développé des outils, de nouvelles habitudes, avec un niveau de performance comparable. Donc il en restera quelque chose, mais l’envie est trop forte de rebasculer vers le réel. » À la bonne heure.
» Le lien, de loin »
Pendant le premier confinement, le Cerclecom avait donné la parole à quelques-uns de ses adhérents à travers des interviews vidéo et organisé des mensuelles en visio. Autant d’occasions de se retrouver, même à distance. Pendant le reconfinement, moins d’interactivité mais beaucoup de réflexion en interne : l’association, qui fête ses 10 ans, peaufine sa nouvelle stratégie, refait son site internet et prépare quelques jolies surprises.