Un univers magique mais fermé, lointain et surtout bien trop cher pour le commun des mortels. C’est l’image du sport automobile de nos jours… Patrick Lemarié et Jacques Villeneuve ont fondé le volant Feed Racing, bien décidés à détecter les futures stars de la piste sur la seule base du talent. Et cette école de pilotage, ils l’ont implantée en Bourgogne, à Magny-Cours.
À ma gauche, Patrick Lemarié, qui fut notamment pilote d’essai de l’écurie de formule 1 BAR Honda. À ma droite, le champion du monde 1997 de la discipline reine, Jacques Villeneuve himself. Amis depuis l’enfance, ces deux-là ont depuis plusieurs années dressé le constat amer de la disparition des « volants ». Ces compétitions qui réunirent, des sixties jusqu’au début des années 1990, des pilotes prometteurs, souvent issus du karting, mettant en lumière les jeunes talents d’alors et marquant leurs débuts en monoplaces. Les meilleurs sont allés jusqu’au firmament du sport automobile mondial – on pense notamment à un certain Alain Prost, vainqueur de l’édition 1975 du célèbre volant Elf Winfield.
Comme au temps de l’âge d’or
Patrick Lemarié a bien connu cet âge d’or : « J’ai été finaliste de ce même volant en 1987 derrière le futur vainqueur du Grand Prix de Monaco de formule 1, Olivier Panis. Ce fut la marche qui me permit de passer à une carrière professionnelle alors que je n’avais pas beaucoup de moyens. » Mais les temps ont bien changé. À titre d’exemple, quand Lance Stroll se lance, son père, le riche homme d’affaires Lawrence Stroll, finance largement sa carrière et, après avoir racheté l’écurie Racing Point qui deviendra Aston Martin en 2021, y placera son rejeton. L’avènement de l’académie Feed Racing laisse donc espérer qu’on ne retrouvera pas uniquement, dans le sport auto, des fils de milliardaire. « Nous n’avons pas de démarche dogmatique, précise Patrick Lemarié. Ayrton Senna était lui-même issu d’une famille très aisée. Nous ne sommes pas anti-riches ! Certes, le sport automobile a toujours été caractérisé par de gros enjeux financiers. Mais quand on voit qu’une saison internationale de kart coûte jusqu’à 300 000 euros, cela n’a plus aucun sens. La France avait été visionnaire dans les années 1960 à 1980 avec l’avènement des “volants”, nés de l’investissement de pétroliers comme Elf, Shell ou Avia, ou encore de cigarettiers [ndlr : rappelons la fameuse opération “Marlboro Cherche son pilote”]. Jusqu’à sept écoles existaient à l’époque sur notre territoire : elles ont révélé et formé des pilotes français ou étrangers, quels que soient leurs moyens financiers. Il faut permettre aux jeunes de rêver de nouveau, de se projeter. » Feed Racing accueille des stagiaires venus de tous horizons, aux profils très différents. « Ici c’est uniquement le talent et le mental qu’on juge ». Les jeunes, âgés de 14 à 20 ans et « n’ayant jamais fait de course en monoplace », s’entraînent au volant de Mygale, des monoplaces conçues ici à Magny-Cours. Le coût : 11 500 euros. La somme reste significative, mais elle permet aux élèves de rouler pendant cinq jours, entourés d’instructeurs parmi les plus reconnus, Xavier Pompidou par exemple. « Notre rôle est de les faire rouler, rouler, rouler… Aucun simulateur ne peut remplacer la vérité de la piste. On n’est pas là pas leur faire du média training ou leur donner des cours d’anglais, ironise Patrick Lemarié. Et le vainqueur se voit financer une saison complète de formule 4, soit l’équivalent de 400 000 euros. » De l’argent, mais au service du talent.
Debriefing de luxe pour les apprentis-pilotes avec Jacques Villeneuve, le champion du monde de Formule 1 1997
Made in Nièvre
C’est Magny-Cours qu’ont choisi les deux fondateurs du Feed Racing. Une fierté pour la Nièvre : le conseil départemental est associé à l’initiative, ce dont se félicitent Patrick Lemarié et Jacques Villeneuve. « Nous sommes ici au cœur d’un outil économique majeur pour le département mais aussi emblématique : 17 grands prix de France de F1 se sont joués ici. Une des 96 places du volant Feed Racing est réservée au vainqueur d’un important challenge karting au cours
duquel s’affrontent les collégiens nivernais. » Au terme de la dernière édition, disputée par plusieurs centaines de participants en juin dernier, le jeune Neversois Matéo Marlot, 14 ans, a remporté la finale. Un pilote portant les couleurs de la Nièvre et de la Bourgogne en formule 1 dans quelques années ?