La liberté d’aller et venir est un des grands principes du droit dans notre beau pays. Il faut des circonstances exceptionnelles pour qu’elle soit entamée – et ce fut le cas en cette année covidienne, pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les transports rendent possible et même incarnent cette liberté de déplacement. Mais j’entends, ici et là, celles et ceux qui évoquent des mœurs que les moins de vingt ans n’ont pas connus. Une époque révolue où le sentiment de liberté n’était entravé par rien ni personne. Réglementation light et pas de flicage. Vous souvenez-vous ? On était libre dans sa voiture, sans ceinture de sécurité, et on était même libre d’y fumer. À moto, le casque était rudimentaire et les gants optionnels. Il y avait bien des limites de vitesse, mais pas grand monde pour les contrôler, et avec quoi de toute façon ?
Papy avait bien écouté les recommandations du gouvernement et il avait acheté une voiture d’occasion. Un diesel forcément : c’est beaucoup moins polluant et très économique. À trois francs le litre de gazole, c’est vrai que ça fait pas cher. Elle n’est pas de toute première jeunesse, cette caisse, et la panne menace à tout moment mais personne n’ira imaginer qu’elle est dangereuse. Le vélo ? C’est fatiguant et puis, franchement, c’est pas pratique. Du coup, même pour les petits trajets, papy démarre sa titine. Même après un repas familial bien arrosé, il est où le problème ? Tout ça, donc, c’était avant. À cette époque bénie des dieux où l’on se posait beaucoup moins de questions ! Aujourd’hui, quand il faut acheter une voiture, mieux vaut y réfléchir à deux fois. On évitera le diesel qui, finalement, est très dangereux et on s’orientera vers un véhicule hybride ou tout électrique. As-tu bien collé ta vignette Crit’air sur le pare-brise ? On y est d’ailleurs fortement invité à coup de primes incitatives et de taxes dissuasives. Il faudra raquer 10 000, 20 000 et pourquoi pas demain 40 000 euros si l’on choisit un véhicule polluant. Acheter d’occasion, est-ce une meilleure idée ? Pourquoi pas mais attention au taux de CO2 car la carte grise risque de coûter bonbon. Et si la voiture est très puissante, un petit impôt annuel supplémentaire de 160 euros sera dû.
Serait-on donc obligé de changer de voiture si l’on veut pouvoir continuer de rouler ? Sachant que, tous les deux ans, la peur au ventre, tout bon propriétaire se rend dans son centre de contrôle technique préféré en croisant les doigts, espérant que sa vieille camarade est encore apte. Apte à rouler. Mais pas trop vite, sinon : suspension du permis, confiscation du véhicule, perte de points… Quant au p’tit verre avant de prendre le volant, oubliez, au risque de carrément perdre votre carte rose. Et même sobre c’est compliqué : ceinture obligatoire, pas
de téléphone, pas d’oreillette, pas d’échappement trop bruyant… Pour se garer, prévoir la monnaie sinon c’est FPS – forfait post-stationnement.
En moto, casque et gants homologués sont de rigueur et on veillera à ne surtout pas se garer sur le trottoir. Dans notre quête de liberté, reste le vélo, sur des pistes cyclables qui font parfois peur aux plus téméraires – genre la piste à contre-sens des voitures dans une rue étroite du centre-ville. Finalement, on est bien tenté d’essayer la trottinette, mais pour rouler où ? Sur la chaussée, sur le trottoir ? Avec ou sans casque ? Dernière solution : le bus ou le tram. C’est pratique pour aller en ville, mais pas partout. Et à bord n’oubliez pas le masque et un ticket validé, sinon une brigade d’hommes en noir vous tombe dessus.
C’était quand même mieux avant, non ? Au moins on était libres… Vraiment ? Vous l’aurez compris, ce billet d’humeur était ironique… Les restrictions et obligations nous pèsent mais soyons raisonnables : il faut savoir limiter certaines de nos libertés pour notre santé et notre sécurité. Allez, prenez soin de vous.
Fabien KOVAC – Avocat au barreau de Dijon