Fibre optique, rural versus urbain (ou pas), services publics pour tous, amazon et télétravail… entretien à bâtons rompus avec François Sauvadet, président du conseil départemental, sur sa vision de la côte-d’or du xxie siècle..
Monsieur en Bourgogne. L’homme moderne est connecté. Les Côte d’Oriens peuvent-ils tous être des hommes modernes ?
François Sauvadet. L’accès au très haut débit est la porte d’entrée dans le XXIe siècle, c’est pourquoi le conseil départemental déploie la fibre partout. En 2022, tous les logements de Côte-d’Or seront éligibles. Personne d’autre que le département n’était prêt à le faire, nous le faisons, avec cette conviction que les territoires qui ne seront pas connectés rencontreront de grandes difficultés. Ensuite, il nous faudra relever un autre défi : que la connexion n’isole pas les gens mais soit le moyen d’être en contact avec les autres. Il faut être connecté tout en restant libre – la question des libertés individuelles est centrale – et en continuant de vivre ensemble.
C’est une question qui concerne aussi bien les citadins que les ruraux, ça…
La question ne se pose pas en termes de rural ou d’urbain car les enjeux liés à l’accès au très haut débit sont les mêmes en ville. On ne mesure pas la révolution que va entraîner le numérique, qui va tout changer dans nos vies : notre façon de travailler avec par exemple le télétravail, de bouger, de nous amuser, de faire nos achats… Le débat entre le rural et l’urbain est complètement dépassé. Opposer les deux, c’est une vision du XXe siècle. L’homme moderne veut à la fois consommer et vivre. Il veut les services et en même temps la qualité de vie. Il aime la ville pour la rencontre, il aspire à la campagne pour la sérénité. Regardez en région parisienne : 60 % des cadres veulent une autre vie, parce que la vie en ville est compliquée !
D’accord mais pour faire ses courses par exemple, la ville reste incontournable, non ?
Ça aussi c’est un point de vue dépassé. Aujourd’hui déjà et demain plus encore, il vous suffit de cliquer pour acheter tout ce que vous voulez et être livré chez vous en 24 heures. Ceux qui ne voient pas cette révolution en train de se faire appartiennent à un monde qui va disparaître. Les enseignes de grande distribution l’ont compris, elles revoient leur modèle en privilégiant à nouveau la proximité.
D’accord mais l’homme moderne veut à la fois sauver sa planète et garder sa voiture. Il est parfois contradictoire, non ?
Un exemple pour illustrer cela. Nous avons interrogé les 24 000 collégiens du département : ils ont une vision très globale, ils sont intéressés par l’avenir de la planète, ils aiment bouger, voyager, découvrir. Et en même temps ils sont très racinaires, ils sont attachés à l’endroit où ils vivent. Ceux qui en ont les moyens veulent choisir et vivre pleinement leur vie. Nous entrons dans une nouvelle ère, qui n’est plus manichéenne, qui n’oppose plus le rural et l’urbain, le global et le local…
En attendant, nous traversons une crise sociale. Est-elle due au fait que nous changeons de paradigme ?
Nous connaissons une crise de modèle liée à deux phénomènes : d’une part la distance entre la décision publique et la vie des gens, d’autre part une concentration des services justifiée par la rareté de l’argent public. Sur ces sujets, au conseil départemental, nous ne lâchons rien. Ce qui n’a pas vocation à être centralisé doit être déconcentré. Pour se faire opérer du coeur, on va dans un CHU, évidemment ; mais au quotidien, il faut offrir des services qui répondent aux besoins des gens. C’est pourquoi je refuse de fermer le moindre service du département. Il faut des collèges, des commerces et des transports partout. Notre marque résume notre ambition : « 100 % Côte-d’Or ». Il y a ceux qui pensent qu’il y a d’un côté la métropole, de l’autre le département ; les mêmes existent au niveau national, qui pensent qu’il y a Paris d’un côté, la province de l’autre. Cette vision n’est pas la mienne. En refusant de changer de modèle, on paupérise et on affaiblit le territoire, on crée des concentrations urbaines dont ne veulent plus les gens avec des phénomènes de violence qu’on ne maîtrise pas.
Donc le numérique, c’est bien une chance pour la Côte-d’Or…
C’est sûr ! La Côte-d’Or, je veux en faire un laboratoire de la vie au XXIe siècle. Nous pouvons offrir les services de demain tout en garantissant un cadre de vie exceptionnel. Nous répondons à l’envie d’équilibre de l’homme moderne. Par exemple : nous avons des traditions formidables, des productions agricoles et alimentaires de très grande qualité, un artisanat qu’il est de notre responsabilité de préserver. Eh bien les nouveaux outils numériques seront au service de cette tradition. Pourquoi ne pas créer des Amazon locaux, capables d’apporter du service de proximité, partout, à tous les habitants, mais aussi aux touristes qui viennent séjourner en Côte-d’Or ? Avec nos infrastructures de transport, le très haut débit et notre qualité de vie, nous avons tout pour réussir.
5 questions flash
Dijon, Ménétreux-le-Pitois, même combat ?
Même combat, même vie, même avenir.
Le parc national Champagne Bourgogne, c’est quoi ce machin ?
Une aventure fantastique. Une nouvelle chance de développement.
La France serait devenue moche, selon Télérama. Vous partagez ?
Alors préservons notre petit patrimoine. C’est un drame, cet héritage qui s’abîme.
Puisque l’homme moderne aime bouger, un aéroport à Dijon, ça aurait été sympa quand même, non ?
Encore un débat d’un autre temps. On a raté une belle occasion.
François Sauvadet, quand il est à Vitteaux, ça donne quoi ?
Partisan du cocooning ! On fait la fête avec les amis, on déguste du vin, on visite Alésia, les sources de la Seine, on marche le long du canal de Bourgogne. On est heureux. La Côte-d’Or est tellement belle.