Depuis 15 ans, Cyrille de Crépy co-dirige avec Eudes-Guilhem Marino la société de promotion immobilière Sopirim. Par ailleurs vice-président du tribunal de commerce de Dijon, il livre, via cette tribune libre, ses prospectives post-confinement pour la relance du secteur de la construction immobilière.
« Les chantiers de SOPIRIM sont à l’arrêt depuis le lundi 16 mars. Nous avons été le premier promoteur à imposer une fermeture de tous nos chantiers pour des questions de sécurité pour les compagnons et pour les entreprises, et à passer tous nos ordres de paiement jusqu’à fin avril pour tenter de préserver la trésorerie de nos partenaires. Sécurité pour les travailleurs car nous étions dans l’inconnu et sécurité pour les entreprises car nous nous doutions que l’État n’aurait pas eu le temps de faire ses comptes et reviendrait probablement après coup auprès de nos co-contractants en contestant les justifications de chômage partiel — nous avons donc souhaité leurs donner des armes.
Nous pensons que la relance de notre secteur passera par différentes étapes :
- Par la relance des autorisations de construire
Par respect du débat démocratique et de la période de réserve, traditionnellement il n’y a pas de délivrance de permis de construire durant la campagne des municipales, or on nous les laisse entendre pour le 4ème trimestre 2020…
De la concorde politique qui règne actuellement autour de l’hommage à Robert Poujade, nous risquons de ne retenir que les multiples directions divergentes de la place éponyme ; et beaucoup plus vite qu’on ne le croit si d’aucuns se sentaient investis de l’héritage de Jean-François Bazin à la manière d’Hervé, c’est à dire « Vipère au point ». C’est pourquoi nous rappelons l’impérieuse nécessité de la bonne marche du bâtiment pour l’économie locale : Les autorisations d’urbanisme ne sont pas un sujet démagogique de campagne mais répondent à un besoin de la cité, tant en matière économique, sociale et sociétale
- Par la relance des chantiers de construction
Tout d’abord, sans fourniture rien n’est possible, mais il semble que les négoces de matériaux se soient réorganisés, nous les en remercions
Ensuite, et surtout, il faut des hommes et des femmes.
Or le message gouvernemental et médiatique est confus entre la nécessité d’un confinement pour réguler les malades et préserver la capacité du système hospitalier à prendre en charge les patients d’une part et la nécessité de faire perdurer un système économique qui permet, notamment, à ce système hospitalier de fonctionner d’autre part.
Les compagnons ont pour certains l’impression d’être sacrifiés sur l’autel d’un profit alors que tout entrepreneur responsable s’est démené pour leur trouver des protections individuelles et pour assurer leur subsistance de demain, alors que lui-même est souvent privé de revenu depuis le début de la pandémie.
Ce sentiment est renforcé par différentes rumeurs complotistes relayées sur les réseaux sociaux par ceux qu’Umberto Eco qualifie de « Légions d’imbéciles qui avant ne parlaient qu’au bar et qui ne causaient aucun mal à la collectivité car on les faisait taire tout de suite » et qui puisent leur paranoïa dans les tergiversations autour du refinancement du chômage partiel et de l’économie. Plus que jamais, la fameuse interrogation « combien valent nos vies ? » revient sur le devant de la scène et avec la réponse de Poutou « Nos vies valent plus que leurs profits… »
le message gouvernemental et médiatique est confus entre la nécessité d’un confinement pour réguler les malades et préserver la capacité du système hospitalier à prendre en charge les patients d’une part et la nécessité de faire perdurer un système économique qui permet, notamment, à ce système hospitalier de fonctionner d’autre part.
Sauf qu’aujourd’hui il ne s’agit plus de profit mais de survie économique, à l’image d’un barrage dont on aurait ouvert les vannes en grand sans avoir conscience du réservoir qui se tarit en aval et de la faiblesse du débit du ruisseau qui l’alimente.
Si chaque chantier a fait l’objet d’une analyse précise des risques et des actions à mener pour se prémunir de tout dommage. Il nous faudra aussi compter avec la bienveillance de l’inspection du travail qui doit comprendre qu’il est possible qu’il y ait quelques entorses aux dispositions habituelles, évidemment pas sur la sécurité physique des travailleurs, mais sur le confort pour des raisons évidentes de santé.
- Par la relance du dynamisme de notre clientèle
Nous avons besoins de clients qui aient la volonté et la possibilité de concrétiser leurs projets.
Il est évident que cette période de confinement aura modifié le rapport de chacun à son logement : à aucun autre moment de notre vie, hormis accident, nous n’avons passé autant de temps à l’intérieur de celui-ci. Cela a pu, à l’image d’un couple, faire renaître des passions ou au contraire provoquer des velléités de changement.
Nous notons déjà des interrogations de prospects sur la disponibilité de logements avec extérieur, ce qui tombe plutôt bien puisque d’ambitieux projet de maisons citadines individuelles en bois avec jardin sont à l’étude dans notre métropole.
Il est évident que cette période de confinement aura modifié le rapport de chacun à son logement : à aucun autre moment de notre vie, hormis accident, nous n’avons passé autant de temps à l’intérieur de celui-ci.
Les coûts de production vont augmenter : il n’est pas nécessaire d’être agrégé d’économie pour comprendre que la réduction de la co-activité sur les chantiers pour diminuer le risque de diffusion du covid-19 va allonger les délais et donc faire croître la masse salariale ou que les mesures de désinfection biquotidienne vont également peser lourd.
Nous allons donc avoir une offre qui ne pourra pas rencontrer la demande.
Pour faire baisser cette offre, il n’y a pas beaucoup de leviers mais il y en a :
- Tout d’abord, sur le prix du foncier : il serait de bon ton que certains promoteurs nationaux qui achètent à n’importe quel prix pour s’implanter sur un territoire qu’ils quitteront à la moindre contraction du marché ou changement d’actionnaire révisent leur politique d’achat, surtout quand on sait que ce sont les premiers ensuite à essayer de bénéficier des plans de relance en bradant leur production invendue car hors marché aux bailleurs sociaux.
On ne pourra pas demander à un particulier de vendre son terrain moins cher que le prix du marché pour relancer l’économie (l’altruisme à ses limites), en revanche l’établissement public foncier local pourrait jouer un rôle dans une mise à disposition de foncier à tarif bas, en échange d’une politique de sortie de prix bas, à la condition morale que les promoteurs privés locaux ne fassent appel qu’à des entreprises locales (ce qui est compatible avec un marché de droit privé)
- Ensuite, le temps étant de l’argent, notamment en matière d’intérêts bancaires, nous pourrions compresser les délais de mise sur le marché grâce à une procédure expresse d’instruction d’autorisation d’urbanisme. Pourquoi ne pas se prêter à rêver d’une instruction accélérée en un mois jusqu’à la fin de l’année ? Nous savons que les services instructeurs sont emplis de bonne volonté et seraient ravis d’apporter leur contribution et devenir ainsi les soignants de notre profession.
Compte tenu du poids du bâtiment dans l’économie locale, ce n’est à mon sens que la réalisation de ces conditions qui permettra d’éviter une catastrophe économique locale sans précédent.
Il serait de bon ton que certains promoteurs nationaux qui achètent à n’importe quel prix pour s’implanter sur un territoire qu’ils quitteront à la moindre contraction du marché ou changement d’actionnaire révisent leur politique d’achat
Les entrepreneurs sont optimistes par nature, qu’ils puissent être aidés à mettre cette énergie au service de la relance et non à la dissiper dans des règlementations administratives post-confinement non-constructives et sans mauvais jeu de mots, stériles. »