Héritier d’une longue lignée de vignerons de Morey-Saint-Denis, Benoit Stehly a fait une incartade dijonnaise le temps de ses études avant de revenir au pays. Pour cet amoureux des belles choses, la proximité avec Chambolle-Musigny est surtout l’opportunité de partager le savoir-faire des viticulteurs du coin. À quelques mois de la Saint-Vincent Tournante, qui aura lieu à cheval entre les deux villages, retour sur un peu d’histoire vigneronne locale.
Il y a toujours eu une forte relation entre Chambolle-Musigny et Morey-Saint- Denis. « Mon arrière-arrière-grand-père est né à Chambolle-Musigny en 1865. Mes enfants sont allés à l’école à Chambolle-Musigny, nos pompiers sont rattachés aux deux villages : ce sont des liens puissants qui nous unissent », souligne Benoit Stehly.
Faire vivre les deux villages
L’important selon lui, avec la Saint-Vincent qui se dessine à l’horizon (fin janvier 2024), c’est de créer du lien social, de la rencontre entre les deux communes, pour éviter la « guerre des boutons » qu’entretenaient les générations précédentes. « On fait cohabiter deux projets similaires, on fait naître le lien, le liant entre nos deux territoires. Mon oncle, une génération au-dessus, n’aurait pas le même discours, il se remémorerait plutôt des petits conflits qui se réglaient avec des matchs de football fratricides. » Pour le vigneron, également secrétaire de l’organisme de défense et de gestion des grands crus de Morey-Saint-Denis & Chambolle-Musigny, avoir des vignes dans les deux appellations lui permet de « mettre de l’eau dans son vin » (sans mauvais jeu de mots), et de ne pas raviver les différences et les faux conflits. « Quand on a voulu faire venir la Saint-Vincent chez nous, on a trouvé le lien dans le plaisir, la joie de se retrouver autour des deux villages », confirme-t-il.
Raconter un récit commun
L’important, désormais, c’est de parler d’une voix commune pour raconter l’histoire de la Saint-Vincent. « Nous avons tous à cœur de défendre notre identité, mais aussi la satisfaction de rencontrer nos voisins, sourit Benoit. Nous sommes tous avides de goûter le vin du voisin, de comparer des vins qui ont été cultivés à quelques dizaines de mètres de nos propres parcelles ! » Si la petite rivalité entre les deux appellations est toujours là, évidemment, l’attrait de la découverte est désormais plus fort, et la Saint-Vincent est l’occasion de déguster le travail des confrères vignerons. « On est toujours un peu jaloux, mais plutôt jaloux du travail bien fait : c’est une rivalité bienveillante », précise-t-il. Ce qui fait la richesse de ce terroir, c’est aussi et surtout la capacité des orfèvres de la vigne à faire rêver, à raconter des histoires. « Il n’y a pas qu’une question d’appellation, il y a aussi et surtout des histoires de femmes et d’hommes, des savoir-faire », défend le vigneron. Si la chimie et la biologie ont toute leur place dans le vin, c’est aussi un soupçon de mystère qui lui donne sa saveur.
Amoureuse de la finesse des vins de son village, Anne Sigaut est toujours émerveillée par la diversité des Climats de Bourgogne. Si Chambolle-Musigny et Morey-Saint- Denis ne sont qu’à quelques centaines de mètres l’un de l’autre, leurs vins sont pourtant différents et s’enorgueillissent de leur unicité. Petit tour d’horizon d’un terroir fier de son identité, qui aspire à partager ses vins avec le reste du monde.
Arrivée à Chambolle-Musigny en vendanges, Anne Sigaut n’est pas une enfant du pays. Pourtant, comme beaucoup, elle s’en est rapidement entichée (tout comme elle s’est éprise d’un vigneron, qu’elle a épousé et rejoint à la vigne). « C’était un job de vacances, mais c’était surtout un premier pas dans l’univers magnifique de la vigne. Je n’en suis jamais partie. »
Le coup de foudre
L’histoire d’amour débute alors. « On a un cépage magnifique, le pinot noir », rappelle Anne Sigaut. Magnifique, mais aussi très difficile à travailler, notamment en raison de sa capacité à supporter la charge. « Impossible d’avoir de grosses quantités de raisin sur une seule grappe si on cherche vraiment l’excellence. La qualité et la quantité ne marchent pas ensemble avec le pinot noir ! » L’appellation chambolle-musigny, connue pour sa finesse, son élégance et sa subtilité, se positionne clairement comme l’une des plus difficiles à réussir en Bourgogne. C’est alors le terroir qui parle, qui s’exprime : des microclimats minuscules, sur quelques kilomètres. « Chambolle-Musigny, pourtant tout proche de Morey-Saint-Denis, n’offre pas les mêmes vins », développe-t-elle.
Une histoire de partage
Il n’y a pas qu’une histoire de terroir, cependant : « C’est pour ça que la rivalité entre Morey-Saint-Denis et Chambolle-Musigny n’a pas de sens », explique Anne Sigaut. Le cœur du vin, c’est avant tout une histoire de vignerons et de vigneronnes. « Pour ma part, c’est une histoire de femmes : c’est ma belle-maman qui m’a appris à tailler la vigne. » Pour celle qui suivit des études de tapissière-décoratrice avant de rejoindre le monde de la viticulture, il était logique de s’occuper de la commission décoration de la Saint-Vincent. « La Saint-Vincent, c’est du plaisir, je la voulais, je l’appelais de mes vœux. J’étais terriblement désireuse de la faire vivre dans Chambolle-Musigny et dans Morey-Saint-Denis, sourit-elle, des étoiles dans les yeux. Pour les plus gourmets, je peux déjà dévoiler que nous aurons normalement sept ou huit vins à déguster. » L’union des deux villages, nécessaire pour offrir assez de place pour accueillir les quelques 70 000 personnes attendues, s’est faite simplement : « Nous avions tous l’envie de boire du Chambolle-Musigny à Morey-Saint-Denis et inversement », conclut Anne Sigaut.