Au cours du temps, Dijon a été élevée à bien des rangs : capitale ducale, capitale régionale, patrimoine de l’humanité reconnu par l’Unesco et même « capitale du monde » plus récemment. Autant de dénominations qui font la fierté de François Rebsamen.
Car être maire, c’est avant tout porter une vision d’avenir. Le maire de Dijon et président de Dijon métropole expose sa vision du futur. L’occasion d’aborder avec lui la façon dont ses 20 ans de mandature ont permis de façonner, voire de refaçonner, la ville et la vie des Dijonnais.
Monsieur en Bourgogne. Ce nouveau numéro de Monsieur en Bourgogne est consacré à la prospective et aux visions futuristes de notre territoire. Question très concrète : comment imaginez-vous Dijon en 2050 ?
François Rebsamen. Vous avez raison de dire que votre question est concrète car, effectivement, Dijon, en 2050, ce n’est pas si loin, à l’échelle de l’aménagement d’une ville et d’une métropole. Les choix que nous faisons aujourd’hui impactent le développement économique, démographique, écologique, culturel de notre territoire pour les prochaines années voire les prochaines décennies. On mesure d’ailleurs aujourd’hui l’importance de certaines décisions prises au début des années 2000 : la rénovation du musée des Beaux-Arts, le tramway, le Zénith, la piétonisation… Il faut du temps pour mener à bien ces grands projets, pour métamorphoser une ville, une agglomération. Il y a des évolutions, peut-être moins « palpables « , mais tout aussi importantes pour nos concitoyens, qui prouvent que notre travail quotidien porte ses fruits, que les projets que nous réalisons sont bons : un taux de chômage particulièrement bas, une vacance commerciale très faible, un solde démographique positif, des étudiants toujours plus nombreux, des entreprises, une montée en puissance à l’international comme l’atteste l’arrivée de l’Organisation internationale de la vigne et du vin, l’OIV, « l’Onu du vin « … Tout cela montre que Dijon, ville et métropole, est dynamique, attractive, agréable à vivre pour toutes et tous. L’objectif que je poursuis, avec les élus de la majorité municipale et des communes de métropole, c’est de faire de Dijon, étape par étape, une ville et une métropole encore plus vertueuses sur le plan écologique, économique et des solidarités. Il nous faut tenir compte d’un contexte parfois incertain et difficile : la guerre en Ukraine, la hausse des coûts de l’énergie, l’inflation, la crise sanitaire, qui ont un impact fort sur la gestion d’une ville et d’une métropole, et inévitablement sur ses projets. En essayant d’anticiper, en se projetant malgré les difficultés, en restant ambitieux pour sa ville et sa métropole, on fait mieux que de se maintenir à flot au cœur de la tempête : on tient le cap et on continue d’avancer.
La lutte contre le réchauffement climatique semble être l’un des défis majeurs de Dijon métropole…
Oui, Dijon est une référence écologique en France et en Europe grâce à la piétonnisation, au tramway, au développement des aménagements cyclables, à la végétalisation de la ville et de la métropole, à l’alimentation durable, bio et locale, au réseau de chauffage urbain, à la reconstruction de la ville sur elle-même pour éviter de grignoter les terres agricoles, à l’élimination de l’habitat énergivore, à la préservation de la ressource en eau… C’est une ambition que je porte et qui se décline dans toutes les politiques publiques que nous menons. Demain, parce que nous faisons le choix prioritaire de la lutte contre le changement climatique et parce que nous investissons massivement en la matière, nous souhaitons aller encore plus loin. Avec 100 villes de l’Union européenne, nous avons pris un engagement : être neutres pour le climat et « intelligentes « . Dijon sera une grande métropole hydrogène, avec des bennes à ordures ménagères, des bus, pourquoi pas des véhicules légers fonctionnant à l’hydrogène. Pour cela, il faut aussi – et c’est le lien qui existe nécessairement entre échelon local, national et international – que la filière s’organise, que nous prouvions au monde que cela marche ; nous y travaillons et je pense que c’est en bonne voie. En parallèle, le tram desservira encore plus d’habitants, je le souhaite, la part du vélo dans les déplacements sera encore plus importante, le réseau de chauffage urbain alimentera davantage de nos concitoyens… C’est ma vision de la ville d’aujourd’hui et de demain : une référence écologique, dynamique et attractive, grâce à un développement économique durable, au service des habitants, c’est-à-dire accessible à toutes et à tous.
« Avec 100 villes de l’Union européenne, nous avons pris un engagement : Etre neutres pour le climat et ‘‘intelligentes’’.
Depuis le début de votre mandat, vous avez fait évoluer et vous avez même refaçonné Dijon. En 2012, la ville change totalement avec la mise en service des deux lignes de tramway par exemple. Pourquoi avoir fait ce choix à l’époque ? Dix ans plus tard, quel constat en tirez-vous ?
À l’époque, l’urgence climatique n’était pas aussi prégnante qu’aujourd’hui. Pour autant, le trafic routier était de plus en plus chargé dans notre ville, le taux de pollution atmosphérique augmentait, je me rappelle les façades grises de la rue de la Liberté – rendez-vous compte, 1 350 bus passaient chaque jour ici ! –, l’espace urbain était difficilement praticable pour les vélos et les piétons… Nous ne pouvions pas nous satisfaire de cette situation. Je souhaitais que notre ville et notre métropole passent en « mode doux « , avec des moyens de transport efficaces, propres, écologiques, des mobilités douces renforcées. Ce constat était partagé avec les 82 élus du Grand Dijon de l’époque, et nous avons voté à l’unanimité la création des deux lignes de tramway. Une desserte importante au centre-ville de Dijon, jusqu’à la Toison d’Or au nord, Chenôve au sud, Quetigny à l’est. Cela nous permettait de relier entre eux non seulement différents quartiers de Dijon et des grandes communes de la métropole, mais aussi des pôles très fréquentés par les habitants comme l’université, le CHU, les secteurs commerciaux et d’habitation. Deux lignes qui replaçaient aussi l’humain au cœur de l’urbain, avec des réaménagements de voies publiques et des requalifications : la plantation de 2 000 nouveaux arbres et de sept hectares de pelouse, plus de 35 kilomètres de voies cyclables ajoutées… Nous fêterons d’ailleurs les 10 ans du tram ce mois de décembre puisque la ligne T2 a été lancée le 8 décembre 2012.
Autre enjeu majeur, la hausse des prix de l’énergie…
La ville de Dijon et Dijon métropole investissent massivement dans des projets structurants et ambitieux pour lutter contre le changement climatique. Quelques exemples : pendant les 10 dernières années, nous avons réduit notre consommation de gaz (40 gigawatts-heure en 2010, 15 aujourd’hui) et totalement supprimé le fioul (15 gigawatts-heure en 2010), grâce à un équipement majeur : le réseau de chaleur urbain. Ce RCU dessert aujourd’hui 250 000 mètres carrés de bâtiments, contre 40 000 il y a 10 ans. Nous évitons ainsi les émissions de 38 500 tonnes de CO2 par an, soit l’équivalent de 16 000 véhicules ! Et nous chauffons, grâce au RCU, 100 000 équivalents-habitants aujourd’hui. Le RCU est alimenté par des chaufferies biomasse et par l’unité de valorisation énergétique de Dijon métropole, qui traite les déchets de plus de 90 % de la population de Côte-d’Or tout en produisant de l’énergie. Et grâce à un turboalternateur produit au Creusot, nous serons même en mesure d’alimenter la future station hydrogène au nord de Dijon. C’est ce que j’appelle un circuit vertueux, qui renforce notre souveraineté énergétique. La modernisation de l’éclairage public, avec OnDijon, permettra à terme de générer plus de 65 % d’économies d’énergie. D’ici quelques semaines, 13 000 points lumineux auront déjà été changés pour basculer vers la led, sur les 34 000 points lumineux de la ville. Et en 2023, nous prévoyons de remplacer 6 000 points lumineux supplémentaires, pour une économie de 500 000 euros. Je peux citer d’autres exemples contribuant fortement à la diminution des émissions de gaz à effet de serre, à la sobriété énergétique, à la lutte contre le changement climatique : le développement des modes doux de transport (aménagements et pistes cyclables, tram…), la piétonisation, la centrale solaire (qui évite l’émission de 4 700 tonnes de CO2 par an et produit l’équivalent de la consommation électrique de 8 000 habitants), le projet hydrogène…
On entend que beaucoup de piscines sont contraintes de fermer cet hiver en France. Les bassins de Dijon restent, eux, bien ouverts. À quoi cela est-il dû ?
Nous avons engagé un plan de rénovation énergétique du parc aquatique depuis plus de cinq ans. Nous avons transformé la piscine du Carrousel pour en faire un équipement exemplaire avec
un bassin nordique, la récupération de calories dans l’ensemble des systèmes, des douches aux bassins en passant par les centrales d’air. Nous avons rénové les piscines des Grésilles et de Fontaine d’Ouche (avec une finalisation cet été à Fontaine d’Ouche). Aux Grésilles, nous avons obtenu 43 % d’économies d’énergies. La piscine olympique est déjà performante mais nous avons la volonté d’être à la pointe. Pour cela, nous avons voté un plan d’investissement de près d’un million d’euros pour 2022 et 2023, comprenant le passage en éclairage led, l’optimisation du traitement d’eau, l’amélioration du pilotage technique… Et aussi un raccordement au RCU des quatre piscines, dont le chauffage sera ainsi assuré pour un tiers par la valorisation des déchets. Je le dis souvent : tout est dans tout ! Parce que nous avons conduit des investissements importants dans les transports, l’énergie, l’habitat, les équipements sportifs, les infrastructures culturelles, parce que nous cherchons continuellement à nous améliorer et à améliorer les services publics, malgré les difficultés, nous envisageons l’avenir sereinement.
2022 a été l’année de tous les défis pour Dijon. Avec l’ouverture de la Cité internationale de la gastronomie et du vin, Dijon est devenue, selon les mots de François Hollande, « la capitale du monde ». Qu’est-ce que l’ouverture de cette nouvelle adresse incontournable a changé pour la ville ?
La Cité internationale de la gastronomie et du vin est ouverte depuis le 6 mai 2022 et c’est une grande réussite. En quatre mois, 200 000 visiteurs ont découvert les expositions et l’histoire patrimoniale du site et de la ville, dégusté mets et vins au cœur de la Cité. À ce rythme, et dès la première année d’ouverture, nous serons le deuxième lieu le plus visité de Bourgogne ! La rénovation est remarquable, le site magnifique, là où il n’y avait avant qu’une friche hospitalière. Ce projet était sans doute l’un des plus complexes que nous avons eu à mener, mais je suis aujourd’hui satisfait du résultat et heureux d’entendre les retours positifs que nous adressent les visiteurs. Avec l’installation du siège de l’OIV, Dijon se positionne comme une ville mondiale de la gastronomie et du vin. Les touristes étaient d’ailleurs très présents cet été et les Dijonnais se l’approprient progressivement depuis la rentrée. Il reste quelques ajustements à faire, et c’est normal après seulement quatre mois d’exploitation, pour rendre la Cité encore plus vivante, encore plus tournée vers la dégustation de produits et de vins. J’entends parfois des remarques désobligeantes, des incantations en réalité colportées par quelques grincheux. Je les encourage à se rendre à la Cité, à passer un bon moment entre amis ou en famille : c’est convivial, l’expérience est au rendez-vous, et c’est une extraordinaire mise en valeur de l’art de vivre à la française, du patrimoine dijonnais, de la gastronomie et du vin. Tout ce que nous aimons à Dijon !
« Le taux de pollution atmosphérique augmentait, je me rappelle les façades grises de la rue de la Liberté […] Nous ne pouvions pas nous satisfaire de cette situation. »