(Feuilleton 2/3)
Ils sont nombreux à chanter les louanges de notre très cher Alban. De Jean-Pierre Jeunet à Diastème en passant par Guillaume Pierret, ils ne tarissent pas d’éloge en faisant écho à la carrière de notre acteur dijonnais préféré.
Jean-Pierre Jeunet
« Alban, c’est un drôle de coco ! »
Réalisateur comblé d’Amélie Poulain et d’Alien, la résurrection, Jean-Pierre Jeunet voulait dur comme fer qu’Alban Lenoir rejoigne le casting de son nouveau film, BigBug. Une comédie de science-fiction produite par Netflix, avec Elsa Zylberstein, Isabelle Nanty et Stéphane De Groodt.
Monsieur en Bourgogne. Le pitch ?
Jean-Pierre Jeunet. En 2050, des êtres humains sont pris en otage par un robot domestique qui veut les protéger des robots de l’extérieur
Votre rencontre avec Alban ?
Il donnait à 16 ou 17 ans la réplique durant le casting d’Amélie Poulain. C’était un gamin mal dégrossi mais j’apprends qu’il est cascadeur et se débrouille. Je l’engage figurant dans une pub, il s’endort pendant une prise. Je lui dis : « Alban, réveille-toi, je pensais que t’étais content d’être là ! » Il me répond, vraiment touchant : « C’est pas ça, m’sieur, j’étais tellement impressionné que je n’ai pas dormi de la nuit ». Il a fini par me sidérer, en particulier dans Un Français, et s’est extrêmement investi dans BigBug. C’est un bosseur qui peut endosser des rôles de composition. Il a une tronche mais, contrairement à la plupart des acteurs français, il peut jouer autre chose que ce qu’il est dans la vie. Alban est audelà du professionnalisme. À la quarantaine, il a le parcours du gars qui s’est débrouillé seul. Au premier succès, on ne reconnaît plus certains acteurs, qui prennent la grosse tête. Alban est resté sincère. C’est un drôle de coco, je n’en connais pas deux comme lui. Il a gardé une foi enfantine dans son métier, mais… vous me dites qu’il a la quarantaine ? C’est fou ! Pour moi, Alban est un gamin de 17 ans !
Quel est le prix à payer à vos vies ?
On ne vous fait jamais confiance. BigBug m’a coûté trois ans et une dépression, je n’arrivais plus à tourner. Si votre film est un succès, vous pouvez présenter trois pages d’annuaire pour le suivant, il sera produit, sauf si vous revenez à une œuvre originale. Vous expliquez qu’Amélie Poulain fut le plus grand succès de l’histoire du cinéma français pendant douze ans, on vous répond : « C’était l’exception ». Mais je n’ai pas à me plaindre. À 17 ans, j’installais des centraux téléphoniques dans l’est de la France. Quand on n’est pas du sérail, on n’est jamais accepté, juste toléré, tant qu’on rapporte de l’argent.
J’ai réalisé Alien à Hollywood à une époque où l’on était encore libre, ils ont pris le risque de travailler avec un metteur en scène français parlant trois mots d’anglais, en me foutant une paix quasi royale que je n’aurais plus. Le marketing ayant aujourd’hui pris le pouvoir, je n’aurais aucune chance de tourner Amélie Poulain. Pour BigBug, je me suis fait jeter par quasiment tout le monde en France. Heureusement, Netflix m’a dit oui en 24 heures et j’ai tourné avec mon équipe habituelle comme si nous sortions dans les plus grandes salles du monde.
Votre conseil aux jeunes comédiens ?
Ne prends pas la grosse tête, reste simple et vas-y.
Diastème
« Alban est un partenaire fabuleux pour un réalisateur »
Romancier, dramaturge et réalisateur, Diastème a fait exploser la carrière d’Alban Lenoir en lui confiant le premier rôle du film Un Français. Dans Le Monde d’hier, thriller politique avec Denis Podalydès et Benjamin Biolay prévu pour 2022, l’acteur dijonnais se fait garde du corps de Léa Drucker, présidente de la République.
Comment expliquer cette osmose avec Alban dans Un Français ?
Elle s’est instaurée naturellement au fil des rencontres et j’ai poussé loin une série d’essais. À un moment, les images ne mentent pas. Alban avait compris ce que je voulais, il m’a convaincu extrêmement rapidement qu’il était le personnage que j’avais en tête. C’était évidemment un saut dans le vide puisqu’il n’avait jamais tenu de premier rôle et que je ne le connaissais pas, mais il y a quelque chose d’intuitif dans ce métier. J’ai senti très vite que je n’aurais pas de problème.
Qu’attendiez-vous précisément de lui ?
Comprendre le jeu d’acteur attendu, ressentir, ne jamais trop exprimer, chercher le côté taiseux du personnage. La confiance s’est immédiatement installée entre nous, et entre Alban et mon chef opérateur qui cadrait le film, entièrement fait à l’épaule, avec des plans séquence très complexes de sept ou huit minutes incluant des cascades. Philippe Guilbert devait sentir le moment où Alban allait bouger, et lui celui où la caméra arrivait sur lui.
Toutes les scènes avaient été longuement répétées sans une once d’improvisation et j’avais un comédien qui aime ça. Alban est un partenaire fabuleux pour un réalisateur. Il a la grande intelligence de ce qu’il est capable de faire, c’est une énorme force pour un comédien. Et il fréquente les plateaux de longue date, une excellente école parallèle. Il m’arrive de lui faire lire des scénarios dans lesquels il ne jouera pas pour avoir son avis, c’est un excellent lecteur avec un sens instinctif du cinéma et des dialogues.
Existe-t-il des passerelles entre théâtre et cinéma ?
Les trois quarts des gens avec qui je travaille au cinéma sont des gens avec qui j’ai travaillé au théâtre. Emma de Caunes ou Frédéric Andrau par exemple. J’ai rencontré Léa Drucker il y a très longtemps et, dans mon premier film qui se passait à Avignon, elle jouait une danseuse. La rencontre avec Alban fut très forte. La fraternité qui s’est tissée entre nous sur Un Français ne s’est jamais démentie et je propose toujours des rôles aux comédiens que j’aime. Retravailler ensemble, avec le même chef opérateur, fut un plaisir fou.
Roman, pièce de théâtre ou film : comment choisissez-vous vos engagements ?
Je n’ai plus le temps d’écrire de roman mais le plaisir vient de ne jamais faire la même chose. J’ai la chance de pouvoir travailler avec des supports différents, j’ai envie de raconter des histoires et j’aime travailler en équipe. Pour l’instant, on me laisse le faire, c’est un grand privilège et une grande liberté.
Guillaume Pierret
« Alban a été mon allié devant la caméra »
Certains pros les serinent de « Ça ne marchera pas » ? Netflix y croît. Top 10 USA acclamé par le New York Times, Balle perdue cumule plus de 37 millions de spectateurs. Réalisateur comblé, Guillaume Pierret revient sur son amitié avec Alban Lenoir.
C’est d’abord une histoire de copains ?
Nous nous sommes croisés avant d’avoir fait carrière, sur MySpace où j’avais relayé un court-métrage qu’il avait trouvé sympa. Nous nous sommes retrouvés à Paris et sommes devenus amis. Dix ans plus tard, nous avons enfin pu travailler ensemble. Les acteurs et réalisateurs français n’étant pas nombreux à vouloir porter le cinéma d’action, il était logique que je confie à Alban le premier rôle.
Qu’attendiez-vous de lui ?
Une implication physique et mentale maximale : l’acteur principal est en permanence à l’écran. Alban a cet instinct, il assure les cascades lui même. Je savais qu’il serait investi à 100 % et voulais qu’il soit fier de son film. Je l’ai impliqué dans l’écriture pour que tout se passe bien sur le tournage, ce genre exigeant ne laissant aucun droit à l’erreur. Alban avait toutes les qualités humaines pour être mon allié devant la caméra.
Ne pas être du milieu est-il la meilleure école, celle de la débrouille ?
Autodidactes tous les deux, nous n’avons pas douté une seconde du bien-fondé de l’existence du cinéma d’action en France. Nous ne venions pas de ce milieu mais nous avons tout fait pour y entrer. J’ai tourné des courts-métrages pour montrer ce que je savais faire, Alban a couru les castings et infiltré les réseaux de cascadeurs. Ni chance ni hasard, c’est notre raison de vivre.
La médaille a-t-elle un revers ?
Quand on a un rêve, il faut survivre le temps de se prendre les échecs dans la gueule. Écrire et jouer se paie d’années de précarité. Il faut accepter de vivre en coloc’ jusqu’à pas d’âge dans des appartements miteux, avec l’argent de petits boulots qui finit dans des courts-métrages. Je n’ai pas pris de vacances depuis bientôt dix ans. Ce sont d’énormes sacrifices.
Votre conseil pour devenir réalisateur ou comédien ?
C’est simple, il suffit d’endurer une galère qui semble infinie. On croit être arrivé et ça repart pour des années. Tant qu’on peut encaisser les échecs et la difficulté à construire une relation sérieuse avec quelqu’un, il faut continuer. C’est malheureux mais il faut être suffisamment inconscient pour ne pas se poser de questions sur son avenir ou passer à autre chose. Ce n’est pas une décision mais une vocation.
Vous tournez la suite de Balle perdue d’octobre à décembre.
Quel regard portez-vous sur vos parcours respectifs ?
Nous sommes fiers de ce film dont nous rêvions depuis nos dix ans. Je n’ai pas évolué depuis. Je suis encore un gamin et, aujourd’hui, je suis payé pour le rester. Il faut désormais rêver plus grand mais je ferai toujours ce que j’ai envie de faire.
Pour lire plus d’articles cliquez ici Consulter nos magazines
A découvrir également sur nos réseaux sociaux :